Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/194

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Rapide et épouvantable combat ! Je n’avais encore vu de batailles que contre des corps plus faibles que nous ou de force égale. Les amazones nous étaient vraiment trop supérieures. Nos mandibules glissaient impuissantes sur leur cuirasse chitineuse, tandis que leurs glaives recourbés entraient d’un sûr mouvement dans les têtes, tuaient à chaque coup, se dégageaient avec une adresse étonnante pour infatiguablement recommencer le geste meurtrier.

Nous fûmes très braves. Personne ne recula. Des héroïsmes m’émerveillèrent. Telle de mes sœurs, coupée en deux, privée de son abdomen et d’une moitié de son thorax, se soulevait, obstinée, sur les deux ou trois pattes qui lui restaient et continuait de frapper de ses mandibules trop faibles.

Vaillance inutile, hélas ! En un rien de temps, notre centre était forcé et l’irrésistible colonne rousse atteignait nos porteurs. Alors ce fut une indescriptible mêlée. Chaque amazone tuait une ouvrière, prenait le fardeau de la morte, s’enfuyait. Nous nous jetions sur les spoliatrices, nous essayions de leur arracher leur proie, et quelquefois nous y réussissions. Il nous arrivait aussi de bondir sur le dos d’un de ces grands barbares et de couper son horrible tête rouge. Je crois que, si nous avions su où nous réfugier, nous aurions sauvé une bonne partie de la future génération.