Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/195

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Mais nous n’avions aucun but ; nous luttions contre un danger et, si nous échappions, c’était, nous le savions trop, pour fuir vers d’autres dangers, moins brutaux de n’être point encore présents, plus affolants d’être inconnus.

Une grande pluie survint, qui termina le combat, hâta notre fuite vers le vallon, la fuite des brigands vers les hauteurs.

C’est en bas seulement, au bord de la rivière, que nous nous arrêtâmes. Nous essayâmes, sous l’averse, de reconnaître nos pertes. Mais, bientôt, il nous fallut songer à lutter contre un nouvel ennemi.

Nous étions assiégées non plus par des vivantes mais par un élément. L’eau du ciel tombait toujours lourdement sur nous, blessure innombrable ; et voici que la rivière montait, menaçante ; et voici que toute la pente ruisselait, devenait un torrent qui, tout à l’heure, sans doute, nous emporterait.

Plusieurs fourmis se livraient aux mêmes mouvements que lorsqu’elles avaient bu trop de miel de pucerons. Leurs gestes ivres disaient, avec une éloquence désespérante, que leur raison n’avait pu résister aux coups trop répétés du malheur, aux menaces trop pressées du danger.

Nous prîmes ces affolées, et la seule femelle qui nous restait, et le peu de nymphes, de larves et d’œufs que nous avions sauvés. Nous fîmes de ces