Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/212

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la bizarrerie de telles rencontres. Je sais trop bien que cet être n’est pas intelligent, que cet être n’est pas une fourmi…

Sous l’œil observateur, nous reconstruisions notre nid. Quand l’homme s’éloignait, il avait soin de recouvrir le verre d’un écran opaque.

— Vois-tu, disais-je à Aristote, il sait que nous aimons l’obscurité chez nous et il nous la procure dès qu’il n’a plus besoin de nous regarder. Il n’est pas méchant.

Elle répliquait :

— Tu expliques tous les hasards heureux comme des preuves d’intelligence. Puis elle triomphait :

— S’il était aussi intelligent que tu le soutiens et s’il avait le projet d’étude que tu lui prêtes, il comprendrait, voyons, qu’il nous met dans une situation anormale où nous n’agirons point comme dans la vie ordinaire. Il comprendrait que sa façon d’étudier déforme l’objet même de son étude.

L’objection était forte. J’essayais d’y répondre. Mais Aristote, sans me laisser achever :

— Comment, par exemple, connaîtrait-il notre ingéniosité et notre activité à conquérir la nourriture, puisque nous la trouvons sans peine aux abords de notre nid ?

— Il nous verra engranger le blé. Qui sait, d’ailleurs si, plus tard, il ne nous le fera pas gagner ?

— Comment a-t-il choisi une nation incomplète,