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Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/233

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Des jours passent et des nuits, mortellement monotones, sans avenir, sans but, sans fatigue. Les serviteurs nous épargnent tout effort, nous immobilisent dans un ennui de plus en plus étroit.

Le temps change au dehors. Nous sentons vaguement que les verdures doivent dresser vers le ciel leurs lentes noirceurs soyeuses, que la terre doit chanter, pour la vue et pour l’ouïe de tous les êtres libres, la vaste chanson du renouveau.

De cette joie lointaine, dont tant de choses nous séparent, nous vient cependant une excitation, un inquiet désir de vivre. Nous marchons un peu plus, et toujours à la limite de notre domaine. Nous nous promenons, mélancoliques, le long du fleuve circulaire.

Hélas ! notre bourreau arrive. Rentrons jusqu’à son départ… Entre nous et la ville, il met six amazones, et il attend.

Les grands barbares roux, étonnés d’abord et dépaysés, regardent autour d’eux. Les lasius nous oublient, courent servir les nouvelles venues. Je comprends maintenant les manières serviles de ces petits êtres : ils étaient depuis longtemps esclaves des amazones.

Celles-ci ont faim, elles mangent.

Je dis à Hannibal :

— Repues, elles nous tueront.

— Non, dit-elle. Nous n’avons pas d’enfants à voler. Elles ne nous attaqueront pas… Peut-être