Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/232

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boîte est posée, entrée ouverte, sur la table où déjà nous eûmes un promenoir.

Nous sommes six survivantes seulement. Mais, dans notre nouveau domaine, l’homme introduit des étrangers en nombre égal, six de ces petits lasius dont jadis nous volâmes les pucerons. Sans doute, l’homme veut se donner le spectacle d’un combat.

Les lasius sont faibles et lâches. Nous les tuerions facilement. Mais à quoi bon ? Y a-t-il encore des patries, y a-t-il encore des instincts de haine, après tant d’horreurs traversées et devant l’horrible avenir que nous prévoyons, morne désert où ne sourit aucun oasis d’espoir ?

Les petits lasius, dans un coin, se serrent tremblants, prêts à se défendre un peu, prêts à accepter bientôt la mort en une indifférence farouche. Quelles tortures leur a-t-on imposées, à eux aussi, sous prétexte d’expériences ?

Quand ils voient qu’on ne cherche pas à leur faire du mal, ils osent remuer. Peu à peu ils approchent, timides, viennent mettre leur bouche contre notre bouche, nous offrent de la nourriture. Nous leur parlons ; ils répondent. Mais les deux langues sont trop différentes : nous ne comprenons pas les réponses qu’ils font à nos questions incomprises.

Ils nous regardent continuellement, guettent nos besoins, nos désirs, accourent, complaisants, dès qu’ils croient deviner.