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Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/27

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malgré l’émotion dont me faisait frisonner le mot « million », je rétorquai :

— Tu m’as fait des promesses contradictoires pour un pauvre esprit mortel. À toi de les tenir toutes.

— C’est simple, dit-elle. Tu seras fourmi un an seulement… L’arrangement te convient-il ?

— Je l’accepte. Elle insista.

— Et tu ne demandes rien autre chose ? Tu ne vois pas d’autres précautions à prendre ?

— Je ne vois pas.

Mais elle, dans un éclat de rire :

— Quels étourdis que ces receveurs de l’enregistrement ! Quel avantage retirerais-tu du voyage, si tu oubliais d’emporter un peu de mémoire ? Il te faut encore la faculté de penser en homme aussi bien qu’en fourmi.

Je m’écriai :

— Pauvre reine folle ! De l’impossible tu tombes dans l’inconcevable. Comment le cerveau ridiculement petit d’une fourmi porterait-il une pensée d’homme ?

Elle dit, injurieuse :

— La pensée d’un homme de génie l’écraserait peut-être. Mais l’esprit d’un homme ordinaire pèse peu.

Après un silence, elle reprit :

— Je ne te garantis pas, d’ailleurs, que ta pensée