Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/29

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même, se renferme en son terrier aveugle. Aussitôt qu’elle en sort, aussitôt surtout qu’elle cède à son instinct de s’élargir et de monter plus haut et de descendre plus profond, voici qu’elle souffre par toute sa surface ; car les choses entrent en son agrandissement comme des épines et des clous entreraient dans un corps.

Et elle méprisa ma tranquillité :

— Enfant pauvre, ta pensée s’ignore, ne s’étant encore heurtée à nulle autre pensée.

Elle leva sa baguette, retendit vers mon front en un mouvement solennel qui, brusque, s’arrêta.

— J’oubliais… murmura-t-elle. Elle ouvrit une parenthèse irritée :

— Mais aussi pourquoi cet être banal ne songe-t-il même pas au détail pratique ? Et elle m’injuria violemment :

— Imbécile ! Si je te transformais en fourmi sans autre précaution, toute la fourmilière se jetterait sur l’intruse, et tu périrais en d’horribles supplices… Il faut que tu sois une fourmi de cette fourmilière.

— Je me moquai :

— En cas d’accident, tu m’aurais ressuscité.

Je ne sais si elle entendit ma remarque ironique. Mais elle la négligea pour continuer sa pensée :

— Et tu ne demandes pas non plus, s’indigna-t-elle, comment tes frères les hommes te recevraient