Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/48

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Au creux d’une feuille, quelques gouttes de rosée s’étaient réunies. Je me penchai sur ce miroir et j’admirai le spectacle que j’étais. Mes yeux d’abord me séduisirent. Ils formaient au premier aspect deux calottes sphériques lumineuses, comme deux convexités de ciel. Mais, à les considérer attentivement, ils se décomposaient en innombrables hexagones dont chacun était un œil complet, suffisait à voir une portion d’horizon. Chacune de ces facettes, pour employer le mot savant, était un trou par où les images pénétraient jusqu’à mon cerveau. J’essayai plusieurs fois, mais inutilement, de les compter, ces trous enrichisseurs. Je me perdais toujours dans le carrelage de lumière.

Puis je m’amusai à remuer mes antennes, à mirer la grâce parlante de leurs gestes, leur souplesse, leur rare finesse. Elles étaient divisées en douze articles, tous mobiles. Le premier, celui qui est attaché directement à la tête, est très long. Les autres, beaucoup plus petits, forment un coude avec lui, semblent la lanière d’un fouet vivant, dont il serait le manche. Vos savants ont donné aux deux grandes divisions de l’admirable organe des noms bien ridicules : la lanière vivante, pour eux, est un funicule et le manche toujours ému, un scape.

Ces antennes, injuriées des deux noms grotesques, sont non seulement des parures, de minces panaches branlants, mais les plus nobles et les plus