Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/49

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utiles des organes. Elles sont le tact curieux et frémissant. Elles sont l’instrument de l’odorat. Elles sont enfin l’instrument du langage. Je les agitais, moins pour voir de beaux mouvements que pour jouir de ma faculté de parler et pour préciser ma pensée. Vous pensez avec des mots ; je pensais avec des mouvements d’antennes. Et, tel un méridional qui ne craint pas d’être surpris dit tout haut les paroles de sa joie, de sa douleur ou de son étonnement, telles mes antennes tremblaient, comme devant une confidente, toutes mes passions heureuses.

Je m’émerveillais aussi des deux triangles de mes mandibules. Je les faisais jouer, écartant et rapprochant leurs bords que la disposition des dents faisait ressembler à deux scies. Je me disais quelle arme puissante devait constituer cette pince. Et j’essayais cet étonnant instrument de travail qui savait scier comme une scie, couper comme des ciseaux, arracher comme des tenailles, gâcher, racler, lisser, assujettir comme des truelles, enlever les déblais comme des pelles et, comme des mains, saisir, transporter, déchirer.

Je faisais jouer aussi mes lèvres longues et mobiles et ma langue si singulièrement élastique, si rapide à laper ou à lécher ; ma langue qui, comme celle du chat, passait sur tout mon corps en une caresse qui nettoie et embellit.

Sous mes lèvres, mes palpes remuaient coquettement,