Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/55

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mains, de déraciner un vieux chêne. Lui, s’arc-boutait désespérément et l’attelage obstiné s’épuisait sans avancer d’un pas.

Je m’arrêtai, regardant le grand effort absurde. Je dis à ma compagne :

— Il n’y a rien à faire.

— Tu te trompes, répondit-elle. Il est certain qu’elles s’y prennent mal. Mais viens avec moi. Nous allons déchausser la racine du monstre.

Nous commençâmes à déblayer autour de ce gibier rétif. Des camarades examinèrent nos mouvements, comprirent, vinrent nous aider. Peu à peu la plupart des travailleuses furent avec nous, tandis qu’une trentaine restaient accrochées au ver de terre, l’empêchaient de reculer.

Nos mandibules et nos pattes travaillaient vigoureusement. Grain à grain, le sol était entamé, le petit trou cylindrique s’élargissait en entonnoir et quelques millimètres de plus de notre proie étaient envahis.

Ah ! la rude, la longue besogne ! Quand nous l’avions commencée, le soleil était au milieu du ciel. Il se couchait, et l’œuvre n’était pas achevée. Je me sentais lasse, impatiente, énervée. Mais aucune de mes amies ne se décourageait, aucune ne songeait à prendre un instant de repos. Le travail devait être fini d’une haleine, sous peine d’être inutile ; ce grand intérêt les empêchait de songer à la fatigue. J’avais honte de ma vaillance