Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moindre, et mes pattes et mes mandibules, douloureuses du même mouvement trop répété, continuaient, machinales, leur labeur de terrassiers.

Enfin dégagée tout entière, la racine du monstre ! II ne reste plus qu’à transporter l’énorme capture. Une nombreuse compagnie s’attelle devant et tire ; une autre est en arrière et pousse ; quelques-unes dirigent le milieu du fardeau. Je fais partie d’une autre bande : je suis un des éclaireurs qui fraient la route et rejettent les petits obstacles. Par instant je me retourne pour voir le travail colossal et harmonieux ; je me livre à des calculs ; je songe à des hommes qui porteraient un boudin de cent mètres de longueur et de cinq mètres de rayon.

Tout allait bien. Plusieurs fois les porteurs s’étaient relayés et, lentement mais régulièrement, la caravane avançait. Un fourré d’herbes se rencontre, trop large, qui eût été interminable à tourner. La marche dans cette forêt devint extrêmement pénible. Au contact de chaque feuille et de chaque tige le ver se tordait. Un moment vint où il fut engagé, tout sinuosités, en d’inextricables brouissailles.

Alors, dans l’impossibilité de continuer le transport, ce fut une longue agitation hésitante. Les fourmis ne se résignent guère à abandonner une entreprise et même leur persévérance s’obstine longtemps avant de renoncer aux moyens d’abord employés. Quand quelques-unes proposèrent de