Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/85

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d’elles-mêmes le procédé absurde, elle eut pitié de la prisonnière et courut aider à sa délivrance.

Elle fit passer une de ses dents par un des trous et se mit à couper les fils, sans précipitation, méthodiquement, l’un après l’autre. Deux ouvrières agrandirent de même les deux autres trous. L’opération fut longue : une merveille de patience.

Les trois trous réunis en une seule déchirure ouvrirent un passage par lequel on découvrait la tête et les pattes de l’embastillée. Mais il eût été dangereux de la dégager par cet orifice étroit dont les bords eussent froissé, peut-être déchiré, sa faiblesse molle. Aristote, se servant toujours de ses dents comme d’une paire de ciseaux, fit partir de ce cercle une longue fente. Une autre ouvrière procédait à un découpage parallèle.

Maintenant Aristote, debout, appuyée sur son abdomen auquel ses quatre dernières pattes arc-boutées semblaient dessiner de fermes contre-forts, soulevait des deux pattes antérieures le couvercle qu’on venait de rendre mobile. Et plusieurs fourmis avec de lentes précautions maternelles, tiraient du cercueil la pauvre réveillée.

Quand elle fut libre, elle ne pouvait même pas essayer de marcher et c’est à peine si son tremblement réussissait à ne pas tomber. Car un linceul l’enveloppait encore, la séparant de la vie et du mouvement volontaire. C’était une mince membrane satinée. On déroula délicatement ce maillot