Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/87

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au travail libre, dehors ou dedans, selon sa fantaisie, selon la température, selon que son intelligence sentirait plus vivement tel ou tel besoin de la communauté.

Mais, pendant deux ou trois jours, une aînée ferait son éducation, lui enseignerait la ville et le travail, lui apprendrait à faire sa toilette, ferait répéter à ses antennes les mots les plus nécessaires. Puis, tant qu’elle se sentirait seulement de demi forces, comme convalescente de l’effort de naître, elle vivrait à l’intérieur, aidant à nourrir les larves et à maintenir la propreté de l’habitation et la sécheresse des greniers.

Pendant que ma savante amie m’exposait ces choses, nous croisâmes de nouveau la pauvre promenade lourde de la femelle. J’interrogeai Aristote sur le beau triangle de perles qui ornait la tête du monstre et sur les quatre moignons courts qui déshonoraient son thorax.

Les perles étaient les ocelles, petits yeux simples semblables aux yeux des hommes, peu utiles à l’insecte qui possède les admirables yeux à facettes. Les moignons étaient les attaches des anciennes ailes arrachées : ces laideurs étaient les stigmates de beautés disparues.

Mais Aristote disait rapidement les faits, n’exprimait aucune réflexion. Elle pressait le pas pour s’éloigner du monstre et, comme vous feriez un geste de mépris, ses organes stridulants émettaient une note dédaigneuse.