Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/101

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nous apprend que rien n’arrive sans causes naturelles ; la théologie nous enseigne des dieux désintéressés et dont les heureux loisirs nous ignorent : par ces deux connaissances, nous voici affranchis de la crainte des dieux et de la terreur des enfers. Dès qu’on est délivré de la croyance à l’au-delà, un raisonnement très simple détruit la peur de la mort : la mort ne concerne ni le vivant ni le mort ; tant que je suis, elle n’est pas ; dès qu’elle est, je ne suis plus. — On se guérit de la crainte de la douleur en remarquant que, si la douleur est grave, elle est brève et que, si elle peut durer longtemps, c’est qu’elle est légère. Si gravis, brevis ; si longa, levis.

Cette dernière crainte est cependant la moins absurde. Un raisonnement, si ingénieux soit-il, ne suffit peut-être pas à la conjurer. Il faut en fermant le vase, noyer les rares douleurs inévitables dans l’abondance du plaisir et, finalement, les transformer en plaisirs.

Car le grand mal de l’homme vulgaire, c’est que son cœur n’est pas seulement un vase empoisonné, mais un vase sans fond, le tonneau des Danaïdes. Chez lui, tout plaisir s’écoule inutile. Nuisible souvent : cette eau de mer accroît la soif loin qu’elle l’étanche. Comment remédier à