Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/114

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

créatrice du bien ? La sagesse est-elle si commune qu’il suffise de compter les voix pour entendre sa voix ? Peut-être est-ce le contraire et Phocion applaudi a-t-il raison de demander : « Quelle sottise a pu m’échapper ? » Si le critérium me paraît incertain ; si je ne répète pas avec la même assurance que Sénèque Argumentum pessimi, turba, c’est que j’aime examiner directement les questions, non suivre ou fuir les opinions.

Chaque fois qu’elle se trompe, la volonté exprimée par la majorité devient servitude pour ceux même qui la croient avoir : il n’est pire esclavage que l’erreur active… Une méthode qui écrase les minorités n’écrase-t-elle pas tout le monde ? Non, vous ne méprisez pas l’esprit humain jusqu’à croire un seul homme assez banal pour appartenir à la majorité par toutes ses opinions ?

La cité antique écrasait complètement, sous les citoyens, la foule des esclaves. Dans la patrie moderne, le citoyen et l’être humain se confondent-ils ? Pourquoi la femme, par exemple, cette chère bavarde, subit-elle le silence politique ?

Mais la cité moderne n’est que mensonge grossier, apparence bonne à tromper les nigauds. Nos sénateurs, tout en vantant la liberté, se gargarisent du mot d’Aristote : « Le citoyen appartient à