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l’État. » Ignorent-ils qu’au sens aristotélique, il n’existe nulle part aujourd’hui un seul citoyen ?

Pour Aristote, le caractère distinctif du citoyen, c’est la participation aux fonctions publiques. L’État a deux fonctions principales : légiférer et juger. Le membre de l’État, le citoyen, est celui qui juge et qui fait partie des assemblées législatives. Nos magistrats d’aujourd’hui sont des demi-citoyens. Demi-citoyens aussi nos députés et nos sénateurs. Ceux de la multitude, dont tout l’office est de subir l’arbitraire des lois, et des faiseurs de lois, et des appliqueurs de lois, il faut vraiment l’audace d’un candidat ou d’un bavard qui « rend compte de son mandat » pour les appeler « citoyens ». Sans doute, un grand nombre d’entre eux — heureux membres de la majorité ! — contribuent à faire pour quatre ans ou pour neuf ans un demi-citoyen et j’admire ce qu’il reste de royal dans un geste d’abdication. Mais Aristote, s’il cherchait dans l’organisation actuelle un citoyen, allumerait la lanterne de Diogène et, après nous avoir tous regardés, déclarerait qu’elle n’a éclairé que des faces d’esclaves.

Morales cléricales et morales civiques ont ce caractère commun de grouper non point tous les hommes, mais une partie des hommes ; de les grou-