Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/128

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Je ne puis me libérer qu’à la condition d’accepter et d’aimer les libérations voisines. Pour que j’aie le droit de me considérer comme l’égal des autres hommes, il faut que je consente d’abord à la justice élémentaire de les considérer comme mes égaux. Sans doute, des voix intérieures me crient que je leur suis supérieur ; mais chacun d’eux n’entend-il pas des voix qui proclament sa supériorité ? Si je repousse les idoles du forum, serait-ce pour adorer les idoles de la caverne ?….

Oh ! je sais ce que je dis quand je parle de l’égalité des hommes. C’est entendu, vous avez raison, ils ne sont qu’inégalités. Mais dont je n’ai pas la mesure, et vous non plus. Quelque critère que nous admettions, il sera arbitraire et insuffisant. La complexité de chaque individu reste incomparable. Perdu au jeu des compensations, au chaos de défauts qui sont peut-être des mérites, de qualités qui restent douteuses, je n’ose déclarer quel est le plus grand, de Balzac ou de Shakespeare, de Raphaël ou du Vinci. Dès que j’exprime une opinion, je ne suis pas certain que ce soit la vôtre et je risque de commettre une injustice. Or croyez-vous l’homme moins complexe que l’artiste ? Et