Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/13

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un jour. Mais cela aussi, cela surtout, je le voudrais oublier. Songer au lecteur entraîne à trop de ruses inconscientes, et à des timidités qui affaiblissent, et à des hardiesses qui dévoient. Cela incite à telles séductions persuasives qui ne vont pas, peut-être, sans dangereuses concessions. Cela soulève d’autoritaires démonstrations qui vous troublent vous-même et vous en imposent. Il y a des vérités que je connais par intuition. Je n’ai aucun moyen de conduire un autre homme au lieu d’où se voit leur resplendissement. Si je songe à cet autre, je cacherai, lâche, le trésor dont l’étranger ne pourra soupçonner le prix. Ou bien, pour empêcher qu’on rie de mes richesses, pour les rendre remarquables et acceptables, je les disposerai dans le mensonge d’un ordre logique et superficiel ; je les inonderai de fausses lueurs qui éteindront les véritables lumières. Le lecteur est trop exigeant. Il y a des choses que j’ignore ou qui ne m’intéressent point ; mais lui entend que je les connaisse et que je les dise. Ses réclamations créent en moi un intérêt artificiel ou une fausse science.

Pour découvrir les lois physiques, on s’éloigne des conversations et des discussions ; on s’enferme au laboratoire ; on oublie, aux profondeurs de la recherche solitaire, les hommes, leurs préjugés, les