Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/166

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misérable saut de puce. Ensuite trente ans et la vie de plusieurs joueurs, hélas ! suffirent à faire de l’homme le plus puissant et le plus vite — le plus infirme aussi et le plus exposé — des oiseaux.

La conception du progrès comme une marche simple, continue, linéaire, est aussi fausse que possible. La route en lacets qui, par mille contours montants, conduit jusqu’au sommet : image pauvre encore et inexacte.

Arrêtés comme des fleuves à l’époque des grands lacs, de nombreux progrès irrités s’accumulent, vaincus depuis des centaines, des milliers, des myriades d’années, contre la masse inébranlée des montagnes. Stagnations éternelles ? Arrêts pour toujours ? Allons donc ! Demain ou dans mille siècles, l’eau subtile trouvera la fente que l’œil ne saurait découvrir ; ou bien elle rencontrera une veine de terre à délayer. La voici qui glisse, s’insinue, travaille. Obscurs efforts, et déjà vainqueurs, que nous ignorons encore. Alerte ! la terre coule, croule, roule, flot inattendu. Les rochers branlent, tombent, se heurtent, se brisent, s’émiettent, ruines et gouttes, parmi le torrent et la cataracte.

À les laisser flotter quant aux dates, tous les