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déformations pédagogiques[1], la pensée de Tolstoï apparait, quand on le lit, harmonieuse et puissante. Moins puissante pourtant que celle d’Épicure, de Zénon ou de François d’Assise, elle ne parvint pas à modeler sur elle le penseur douloureux. Elle lui fit maudire ses chaînes ; elle ne lui donna pas la force de les briser. La vie déchirée de Tolstoï est, comme celle de Marc-Aurèle, un fantôme philosophique, non, comme celle de Socrate ou d’Épictète, une philosophie en action.


Ibsen est individualiste par la formule qu’il aime : « Ce que tu es, sois-le pleinement ». Il est individualiste profondément par sa méthode, par son socratisme, par son effort pour éveiller les consciences et ne pas les conduire : « Je veux seulement les réveiller, — dit son Rosmer, à l’heure la plus ambitieuse et la plus ibsénienne, — c’est à eux d’agir ensuite. » Et, dans un poème, Ibsen déclare en son propre nom : « Je ne fais que poser

  1. « Je suis semblable — disait Diogène de Sinope — aux maîtres de musique qui forcent le ton pour y ramener leurs élèves », — Ne forçons jamais le ton. Si je me déforme pour former les autres, je suis certain de ma déformation, non du succès extérieur.