Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/193

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minisme absolu sans même s’apercevoir que leur conclusion déborde infiniment ce qui est donné par les faits.

Les seuls arguments solides que les déterministes aient à leur service sont d’ordre négatif. On montre que les apparences nous trompent souvent et que par conséquent le sentiment que nous avons de notre liberté peut nous tromper. Conclusion légitime. Mais on ne parvient pas à prouver que ce sentiment nous trompe en effet. On me donne la plus utile leçon de prudence. Il ne serait pas inutile que celui qui la donne l’entendît lui-même. En dehors de mes gestes, rien ne parvient à m’acculer à la nécessité d’affirmer ou de nier. Tout réussit à m’empêcher d’affirmer, à m’empêcher de nier.

À certaines profondeurs, je ne sais plus si le mot liberté conserve encore une signification. Aux mêmes profondeurs, j’ignore si le mot cause conserve une signification. Dans une région moins ténébreuse ou moins éblouissante, dans ce pays de la diversité distincte où tout n’échappe pas à mon emprise, chaque mot a un sens, même le terme le plus relatif, même le mot « actif » ou le mot « passif ».

Un tigre me dévore. Certes, quelque passivité