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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/202

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S’il ne croyait pas que sa pensée et son désir déterminent ses actes, le sage tenterait-il de diriger sa pensée et de purifier son désir ? Si je ne croyais pas que mon geste d’aujourd’hui établit une pente qui contribuera à déterminer mes gestes futurs, je perdrais peut-être ma meilleure raison de veiller sur mon geste d’aujourd’hui. En étudiant la sagesse, en m’appliquant à la traduire dans ma conduite, je fais acte de foi tout ensemble à la liberté et au déterminisme.

En s’appliquant à ses recherches, le savant fait aussi — mais il se doute de l’un, non de l’autre — les deux actes de foi qui lui paraissent contradictoires. S’il croyait efficacement ne posséder nul pouvoir sur ses gestes et sur ses pensées, il ne s’efforcerait pas d’ordonner ses pensées, il ne dirigerait pas ses gestes vers la réalisation de telle ou telle expérience. La contradiction qu’on veut relever dans l’activité éthique se trouve, au même degré, dans toute activité téléologique. Et elle n’empêche aucune activité téléologique, ni la science, ni l’art, ni la sagesse. Le savant déterministe affirme que sa pensée actuelle est déterminée par l’état immédiatement antérieur de son cerveau, et peut-être de tout son corps, et peut-être de l’univers. Cette conviction ne l’entraîne pas à aban-