Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/204

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devant son marbre, ne songe pas que chacun de ses gestes est déterminé par l’état de ses organes et par l’état de l’univers ; il détermine téléologiquement ses coups de ciseau par l’idée d’une beauté à réaliser. Le chimiste ne s’objecte pas que la direction de son regard est déterminée physiologiquement ; il regarde le ballon où se passe la réaction qu’il veut étudier. Mais le chimiste et le sculpteur cesseront de se sentir libres, si quelque grossier déterminisme vient s’opposer à leur effort harmonieux.

Le déterminisme est une objection gênante pour le moraliste qui appuie sa morale sur une métaphysique. Cette objection est-elle moins gênante pour le savant qui mêle sans s’en apercevoir science et métaphysique ? Ne devrait-il pas, au nom de son déterminisme intolérant, condamner toute activité téléologique, son effort vers la connaissance autant que mon effort vers la sagesse ?

En réalité, ni le savant, ni l’artiste, ni le sage n’ont à résoudre des difficultés qui sont exclusivement métaphysiques. Elles ne les empêchent pas de réaliser de la connaissance positive, de la beauté éthique ou de la beauté esthétique. Ils prouvent le mouvement en marchant. C’est la seule réponse que méritent d’eux les subtilités de Zénon d’Élée.