Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/21

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qu’ils ne s’entendirent. Dans l’encombrement et le vacarme des phrases apprises, elle découvre et choisit les rares paroles jaillies. Par delà le bruit des répétitions, elle apprend à écouter, dans ce renouveau, le murmure de la source souterraine. La pensée la plus profonde de mes morts et qu’ils ignoraient encore, leur musique la plus intime et qu’ils n’eurent point le temps de découvrir, je m’applique à lui donner une voix. Effort plus pieux que la crédule mémoire. J’offre mon activité et ma maturité, non une passivité pauvre et une enfance vieillissante. Je fais taire les lointains discours dont ils n’étaient que les échos, je brise des dogmes rouillés comme des chaînes et je marche vers les paroles libres de leur silence.

Je serais impie si je m’arrêtais où ceux que j’aime semblent s’être arrêtés. J’ai hérité d’eux un voyage à continuer. Le vivant, c’est celui qui lutte, qui avance, qui se surmonte. M’asseoir où le temps arrêta mes pères, ce serait consentir à leur mort, ce serait rendre vaine l’œuvre qu’ils ont commencée, rendre vain l’amour qui m’enfanta. Je leur restitue la vie qu’ils m’ont donnée. Tant que je vivrai, ils vivront ; ils se continueront vaillamment et, par une sincérité chaque jour plus profonde et plus hardie, se renouvelleront. Quand