Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/211

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toute morale doministe ou serviliste. L’âpre méfiance du maître n’admet pas que rien échappe à son autorité. La lâcheté du servile réclame partout des règles et des garde-fous ; son humeur paresseuse étend à toutes choses ce que Nietzsche appelle spirituellement « la science du bon sommeil ».

Autant la soumission à une métaphysique ou à une sociologie est mortelle pour l’éthique, autant l’obéissance à une morale empoisonne la science ou l’art. L’artiste dans la réalisation de son œuvre, le savant dans ses recherches n’ont pas à se préoccuper de prêcher, ou de confirmer une doctrine. Le savant observe les faits et leurs rapports ; en tant que savant, il n’a pas d’autre fonction. À s’inquiéter de justifier une morale, une politique, une religion ou une cosmologie apprises, on cesse d’être un savant ; on devient un avocat ou, comme on dit au pays du pire servilisme, un apologiste. On n’est plus un trouveur de vérités, mais un inventeur d’arguments. Or ce je ne sais quel Dieu qui veut qu’on soit vainqueur inspire aux raisonneurs de ce genre une mauvaise foi d’autant plus profonde que, restée d’ordinaire inconsciente, elle trompe celui qui parle avant de tromper ceux à qui il parle. La véritable sincérité scientifique