Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/218

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Pendant qu’il cherche la vérité, le savant oublie les hommes, leurs préjugés et leurs désirs ; il oublie jusqu’aux pires ennemis de la science, science officielle, bavardage des chaires, mensonge routinier des académies. Aussi l’artiste, pendant qu’il réalise son œuvre : il oublie volontairement la mode du jour et de quelles banalités ont soif les populaces d’en haut et les populaces d’en bas, les populaces d’officiels, les populaces de réfractaires et leur noble entre-deux de policiers. La sagesse, elle aussi, est une méthode d’affranchissement : l’effort de modeler sa propre vie selon la beauté au lieu de la laisser modeler aux fantaisies voisines. Je la considère comme un art ou comme quelque chose de très voisin de l’art. Son caractère différentiel c’est qu’ici, je l’ai constaté souvent, l’artiste et l’œuvre se confondent. Le chef-d’œuvre d’Épictète ne s’appelle pas le Manuel, il s’appelle Épictète ; le chef-d’œuvre de Spinoza c’est, plus encore que l’Éthique, Spinoza.

L’art et la science vraiment désintéressés sont des sagesses partielles. Ils n’ont pas à se préoccuper de morale, supérieurs qu’ils sont à toutes les morales qui les voudraient asservir. Le savant qui porterait dans tous les actes de sa vie la sincé-