Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/225

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Quand il est à peu près certain que je veux réaliser l’hypothèse, l’impératif prend une apparence catégorique. Le malade est censé vouloir guérir : les conseils du médecin s’appellent, comme les anciennes lois royales, des ordonnances. Un professeur de dessin, de danse ou de billard, parce que la direction de la volonté de l’élève est supposée, donne à ses conseils la forme des plus apodictiques préceptes. Les règles de l’arithmétique prennent un accent aussi impératif que les règles morales. Parce qu’on ne suppose pas que je désire faire des opérations inexactes. Quand un marchand est résolu à me tromper par un faux calcul, les règles éthiques ne le troublent pas plus que les règles mathématiques ; il outrage les unes comme les autres et son mensonge les laisse aussi intactes les unes que les autres. Dans le même sens où je me sens obligé à respecter mon voisin, je me sens obligé à faire des opérations justes. Le remords moral est une inquiétude sans grande originalité, assez semblable à celle qu’éprouve le mathématicien s’il a fait un calcul erroné, l’homme du monde s’il voit brusquement dans un salon qu’il a oublié de reboutonner sa braguette, l’artiste qui découvre dans son œuvre un trait inharmonieux ou le savant qui