Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/237

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besoins naturels et non nécessaires (l’instinct de reproduction, par exemple) dont l’animal reste l’esclave. L’épicurien se délivre de leur tyrannie, leur accorde, quand ils n’exigent nul effort, de souriants apaisements ; les écarte avec le même sourire s’ils ont la prétention de le troubler ou de le surmener.

Sa doctrine semble revêtir, à ce moment, un aspect étroit, timide, comme frileux. L’épicurien serait-il donc semblable aux Trolls d’Ibsen qui s’enferment en eux-mêmes pour y mener on ne sait quelle vie souterraine ?…

Par l’amitié, l’épicurien échappe à cet égoïsme triste et moisissant. Dans l’antiquité, les couples d’amis les plus célèbres appartiennent à l’épicurisme. Les sculpteurs, fidèles au sentiment qui unit indénouablement les deux hommes, représentent presque toujours Épicure et Métrodore en statues géminées. Dans les temps modernes, l’amitié semble rester la seule passion dont soit capable l’épicurien Montaigne et la virile affection qui unit Saint-Évremont à Ninon de Lenclos est peut-être leur grande noblesse. La différence capitale entre l’amitié et les affections dont l’épicurien se délivre, c’est que l’amitié est œuvre d’élection. Le sage aime