Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/238

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un être harmonieux comme lui. Montaigne a choisi dans La Boétie un esprit affranchi des servitudes volontaires ; il a fait de Mlle de Gournay sa fille d’alliance parce qu’elle était vaillante et d’âme libre. Il n’avait pas choisi les « deux ou trois enfants » qu’il perdit en nourrice « sinon sans regret, du moins sans fascherie ». Si Marc-Aurèle avait été assez épicurien pour mépriser la lubrique Faustine et le cruel Commode, qui le lui reprocherait ? Lorsque Jésus, adoptant ses seuls disciples, repousse ses frères selon la chair et sa mère, qui donc le lui reproche ?

Le choix, pourquoi ne suivrait-il point parfois la même direction que la nature ? S’ils le méritent par leur noblesse, l’épicurien aime une compagne calme et douce et les enfants sortis d’elle. Épicure a pour Léontium la plus tendre affection et son testament se préoccupe des enfants de Léontium. Mais, Métrodore ayant aimé la même femme, Épicure s’était montré exempt des banales jalousies : il avait uni ses deux amis, et les enfants dont se préoccupe son testament sont de Métrodore. L’épicurien ne se refuse à rien de ce qu’il croit naturel ; seulement il empêche ce qui n’est pas nécessaire de lui devenir nécessité. Il dompte et maîtrise les appétits qui, si on leur lâche la bride, risquent de