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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/239

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piaffer le trouble et de bousculer la catastrophe.

À ce stade déjà, délivré de tous les besoins qui ne s’imposent pas au corps, l’épicurien laisse peu de prise à la fortune et à la tyrannie. Il jouit non seulement des nourritures et des boissons simples, mais encore du souvenir de tous les plaisirs passés, de la prévision des plaisirs futurs. Aux plaisirs du corps, il préfère les voluptés de l’esprit et de l’amitié, celles que nulle douleur ne limite et qui ne se bornent point au présent. L’instant est pour lui une coupe débordante de passé et d’avenir. Mais les plaisirs de l’esprit ne viennent que des plaisirs physiques, et le ventre reste toujours au centre de la doctrine. Cette doctrine m’affranchit des tyrans qui n’ont de puissance que sur mon superflu. M’affranchira-t-elle du tyran qui peut me priver de pain, enchaîner ma joyeuse liberté de mouvement, blesser et torturer mon corps, me tuer ? Oui, puisqu’elle m’enseigne en souriant à ne plus craindre mort et douleur ; puisque, par l’art subtil dont j’ai indiqué plus haut les grandes lignes [1] elle transmute la douleur même en plaisir.

  1. Voir chapitre III, pages 101 à 108, mon exposé d’ensemble sur l’épicurisme.