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Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/244

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beauté et que tout effort inutile ou exagéré grince et grimace.

L’épicurisme suffit aux circonstances ordinaires. Au centre du jardin, j’ai dressé l’imprenable forteresse d’Épictète. Je m’y retire seulement aux heures critiques. Mais je me souviens toujours qu’elle est là et j’entretiens le chemin qui y conduit. Grâce à elle, le jardin m’est plus doux : l’ombre de la citadelle tue les germes de craintes. Mon bonheur présent ne se corrompt de nulle appréhension. Privé de pain et d’eau, le sage serait encore heureux ; dans la maladie la plus douloureuse et la plus dénuée, il serait encore heureux ; mourant dans les souffrances et l’ignominie, parmi les coups et les injures, il serait encore heureux. Il possède toutes les certitudes de bonheur ; mais il en est qu’il convient de taire dans la vie courante pour que la proclamation ne sonne pas trop d’insolence. En dehors des épreuves qui s’imposent, les exercices intérieurs suffisent pour conduire au sommet qu’inondent certitude, joie et lumière. Les paroles quotidiennes et les gestes quotidiens seraient indiscrets qui manifesteraient théâtralement l’austérité de la pensée. Le sourire du sage n’est pas un écran et un mensonge tendus pour cacher cette austérité ; il est la fleur même de la plante