Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/47

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comme autre chose qu’une méthode de rêve, puisqu’elle se croit un moyen de certitude, apparaît une naïveté presque immorale. Elle affirme mes désirs comme des réalités et prétend que l’univers rit dès que je me chatouille. Elle projette mon ombre sur l’infini et affirme que c’est l’ombre de l’infini. Elle modèle anthropomorphiquement le mystère. Sur le roc inébranlé, elle croit construire avec les nuages, et elle attribue à la construction rêvée la solidité du roc lui-même.

Les deux méthodes ont un défaut commun. Elles attachent solidement la morale à une métaphysique. Or toute métaphysique m’apparaît un système de nobles rêveries ou de charlatanesques affirmations. À moins d’être docile « comme un cadavre » ou d’avoir pour un de ces systèmes tendresse de mère, toute intelligence doutera un jour de sa métaphysique. Après examen, on la rejettera ou on ne l’admettra plus que comme une branlante hypothèse. Celui qui aura commis l’imprudence d’y unir indissolublement son éthique regardera crouler l’ensemble parmi les pleurs ou dans un rire déchirant.

La sagesse pratique ne peut que perdre à de telles alliances. Avant même qu’il soit ébranlé dans ma confiance, l’allié diminue ma vie éthique.