Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le « Connais-toi toi-même » est, depuis Socrate, le point de départ de tout individualisme un peu méthodique. À la question : « Que suis-je ? » deux réponses principales ont été faites : « Je suis un homme » ou « Je suis un vivant ». Pour les stoïciens, je suis et surtout je m’efforce d’être une harmonie ébauchée par la nature et que ma volonté rendra plus belle, plus « sphérique ». Cette harmonie, telle que la comprennent Zénon, Cléanthe et Epictète ne saurait être réalisée, perfectionnée et conservée que par la raison et par l’effort continu

    peut-être l’histoire ne nous offrirait-elle plus aucun individualisme. Nietzsche — en qui M. Louis Prat voit « le véritable héritier à notre époque de l’individualisme de Protagoras » — prétend découvrir ce qu’il y a de plus profond et de plus universel non point seulement dans l’homme et l’être raisonnable, mais dans le vivant. Vais-je demander à M. Louis Prat d’être rigoureusement conséquent avec lui-même et de retirer à Nietzsche aussi le diplôme d’individualisme ?

    Accorderai-je sans réserve ni hésitation que les stoïciens « donnent pour fondement à leur éthique une métaphysique ? » Je crois voir sur ce point quelque flottement dans l’école. Zénon semble donner raison à M. Louis Prat. Il compare la philosophie à un animal : les os et les nerfs forment la logique ; la chair est l’éthique ; l’âme, la métaphysique. Une autre similitude, très ancienne aussi dans l’école, mais j’ignore si elle vient de Zénon ou de Cléanthe, confirme cette vue. La philosophie est un jardin :