Page:Ryner - La Sagesse qui rit, 1928.djvu/94

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Si j’aspire à la domination, ma sagesse se confondra avec ma politique ; mon individualisme d’un instant ne tardera guère à se préoccuper des autres hommes. Il est probable que, pour me les soumettre, je me soumettrai, au moins en apparence, à leurs préjugés. J’aboutirai à un petit ou grand machiavélisme. Je serai, selon mon génie ou mon courage, telle petite ordure sans nom ou Napoléon, cet Himalaya d’infamies. Ma vie, ruse et mensonge, sera une longue comédie qui risquera de contenir quelques éléments abominablement tragiques, quelques « cruautés bien employées ». Mon

    m’accorde Chrysippe et je commence mon exposition par l’éthique. Ensuite, j’écoute le conseil quelquefois explicite d’Épictète et je m’arrête avant d’étudier les inutilités.

    Il me semble que je souris trop en ce moment et avec une satisfaction d’avocat. Il sera plus équitable de faire à M. Louis Prat une importante concession. Vue d’ensemble, la doctrine stoïcienne (qui n’est plus que curiosité ) n’est peut-être pas individualiste. Mais certaine méthode stoïcienne, qui reste toujours utilisable, a bien ce caractère. Du stoïcisme je ne conserve guère que la volonté et l’art de me rendre, pendant les crises, « indifférentes toutes les choses qui ne dépendent pas de moi » c’est-à-dire, définit Épictète, « tout ce qui n’est pas du nombre de mes actions intérieures ». Mon amour, mon attention et mon effort portés uniquement sur « mes actions intérieures », voilà qui me paraît individualiste jusqu’au subjectivisme.