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Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/160

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arrien

Pourquoi l’aimes-tu, si tu ne le connais pas ?


historicus

Je le devine un peu à travers la légende. Je sais l’art de regarder à travers les témoignages les plus brumeux. Mais la folie épaisse des disciples laisse distinguer peu de chose.


arrien

Que distingues-tu ?


historicus

Le fils du charpentier m’apparaît un sage étrange, plus doux et plus souriant qu’Épicure et peut-être aussi courageux qu’Épictète. Mais Épictète est un guerrier immobile et que rien ne peut mettre en fuite. Le philosophe juif fuit parfois pour revenir bientôt et sa fuite, comme celle du Parthe, est encore un combat. Il allait à travers les villes et les bourgades prêchant sa vérité flottante. Il était vagabond et sans attaches comme un cynique. Mais sa parole était exempte de toute âpreté et sa voix séduisait au lieu d’irriter. Il était jeune, blond, aussi beau que notre Serenus : les femmes le regardaient, et elles croyaient l’écouter ; elles l’aimaient, et elles croyaient le comprendre. Lui disait, avec l’accent de l’amour, des paroles de raison. Sa douceur essayait de briser les chaînes des préjugés et dans les ténèbres son geste portait un noble flambeau. Mais ceux auxquels il s’adressait entendaient, sa voix mieux que ses paroles. Souvent on a l’air d’écouter le maître et on n’entend que soi-même. Porcus nous montre ce que deviennent dans un imbécile les préceptes d’Épicure. Les disciples de Chreistos alourdissaient d’un sens matériel et grossier les paroles subtiles du philosophe galiléen. Ils étaient ces étoffes rugueuses et de couleur criarde qui rendent sotte et blessante la douce lumière. Jésus disait : « Mon royaume n’est pas de ce monde », Ainsi Épicure dresse sur d’irréels