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Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/195

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l’âme et sa séparation d’avec le corps ne me paraissent pas moins beaux que la prison d’Athènes. Mais, une heure plus tard, quand il a renvoyé ses nombreux amis pour leur éviter un péril, quand il a conseillé à sa chère Arria de ne point le suivre dans la mort et de rester auprès de leur fille, quand il se trouve seul dans sa chambre avec Démétrius, Helvidius Priscus et le questeur chargé de surveiller sa mort, alors Thraséas m’apparait beau comme un dieu mourant. J’aime les paroles qu’il adresse au questeur ; elles mêlent, en une mesure admirable, les sentiments paternels du vieillard pour un jeune homme et l’ironie du sage pour un magistrat : « Regarde, jeune homme, — dit Thraséas à l’envoyé de Néron, — et puissent les dieux détourner ce présage ! mais tu es né dans un siècle où il convient de fortifier son âme par des exemples de fermeté. » Quant à son exclamation dernière, je la vois, dans une lumière plus solennelle et moins souriante, aussi belle que le mot suprême de Socrate guéri de la vie : « Nous devons un coq à Esculape. » Thraséas, lui, les veines des deux bras ouvertes, regarda couler son sang, il en fit tomber sur la terre et il s’écria : « Offrons cette libation à Jupiter Libérateur. »


serena

Ah ! la noble famille… J’ai entendu dire que Fannia, fille de Thraséas et de la seconde Arria, donna, troisième, quand son époux Helvidius Priscus fut condamné, le grand spectacle de courage et d’amour.


historicus

On t’a dit la vérité, Serena.


épictète

Helvidius Priscus fut aussi une âme très ferme. Vespasien lui défendit un jour de venir au Sénat, « Il dépend de toi de m’ôter ma dignité, répondit Helvidius. Mais, tant que je serai sénateur, j’irai au sénat. — Si tu y viens, dit l’imperator, n’y