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Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/216

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dant il vit bien. Je me préoccupe de bien vivre et j’avoue les vérités platoniciennes. Du temps de Platon, il paraissait beau et difficile de savoir. Aujourd’hui, c’est vivre bien qui parait difficile et beau. Mais les deux choses se tiennent. Personne, dit Socrate, n’est méchant volontairement et celui qui voit le bien fait le bien. Moi je dis : Personne n’est malheureux volontairement ; donc le méchant, qui se rend malheureux, se trompe ; mais celui qui fait le bien connaît le bien.

Écoutez, mes amis. Les hommes qui ont marché pendant le jour regardaient l’horizon, car ils étaient sûrs de ne point tomber. Nous, dans la nuit que nous éclairons de notre propre lumière, nous voyons seulement ce qui est près de nous. Mais au loin se dressent les mêmes arbres, coulent les mêmes eaux, s’étend le même sol. Ceux qui savaient les réalités lointaines connaissaient le voisinage. Si tu sais réellement ce qui est proche, tu connais aussi le lointain.


serena

Mais la vérité de Platon est belle comme une statue de Phidias.


serenus

La vérité d’Epicure est mille fois plus belle.


épictète

Quand Arria se frappe le sein et, tendant le poignard à son époux, dit : « Pœtus, cela ne fait point de mal », elle est aussi belle à mes yeux que la Minerve de Phidias. Thraséas faisant de son sang une libation à Jupiter Libérateur est aussi beau que les espérances ailées qui s’envolent du Phédon ou du Phèdre. Je dis mal ; ils sont plus beaux : ils sont l’acte vivant dont la statue et le livre n’étaient que la puissance.


serena

Sans doute. Mais il y a une sorte de beauté qui manque à notre siècle.