Page:Ryner - Les Chrétiens et les Philosophes, 1906.djvu/34

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À grands pas gauches qui donnaient, on ne sait pourquoi, l’idée d’une course à travers les siècles, un homme long et mince rejoignit les philosophes. Il ne portait point la barbe philosophique. Ses regards, tantôt directs, aigus et fouilleurs, étaient plus souvent des voyageurs rapides. Dans son costume bizarre et compliqué hurlaient toutes les formes et toutes les couleurs, tous les temps et tous les pays. Le pallium grec y recouvrait la toge romaine. Des nuances et des coupes barbares s’y mêlaient aussi, depuis les braies gauloises jusqu’à la solennelle tiare arrondie de certains prêtres d’Asie ; mais, étrange, une baguette enveloppée de laine rongée par les insectes et assez semblable à l’apex des flamines surmontait la courbe de cette coiffure. « Je suis vêtu d’histoire » disait-il parfois. Souvent, dans les rues, le peuple courait derrière cet homme avec des huées. Il déclarait alors en riant : « Je traîne derrière moi la seule partie intéressante du triomphe. » La plupart des philosophes le considéraient comme un fou. Quelques-uns affirmaient que ses singularités cachaient, et protégeaient peut-être, — bariolage qu’on ne soupçonne pas d’être une armure — le plus grand esprit de l’époque. Lui, quand il daignait parler à demi sérieusement, méprisait la philosophie et les autres connaissances humaines. Mais il proclamait une exception : « l’homme, animal flottant et changeant, ne peut être révélé que par l’histoire aux mille vêtements et aux mille rythmes souples. » Il venait d’Alexandrie et s’appelait Théraphron. Mais on le surnommait communément Historicus.


arrien

Eh ! quoi, tu es exilé comme philosophe, toi que les philosophes repoussent et qui méprises la philosophie ?


historicus

Notre siècle est étrange.


arrien

Qu’as-tu dit au préteur ?