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Page:Ryner - Les Esclaves, 1925.djvu/20

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Scène II

Les Esclaves, Eudoxe

Au moment où Stalagmus disait : « Hélas ! hélas ! », Eudoxe est entré. Il a fait signe aux autres esclaves de ne pas remuer et de garder le silence.

Eudoxe met la main sur l’épaule de Stalagmus. Tous les esclaves se lèvent en signe de respect.

Stalagmus se retourne, voit le jeune visage mou et sournois. Une haine implacable brille dans les yeux du vieil esclave.

Eudoxe. — Calme-toi, bon vieillard, et ne plains le sort de personne. Ou, si tu le préfères, plains la destinée de tous les mortels. Tous sont esclaves.

Sostrata. — Les maîtres…

Eudoxe. — Il n’y a de maîtres que les dieux, s’il existe des dieux… Seuls, ils sont affranchis des vraies et profondes servitudes : la maladie, la mort, la peur. Souviens-toi, Sostrata. Cette nuit, je me suis cru malade. L’obscurité m’a terrifié. Il m’a semblé que j’allais mourir. J’ai appelé, j’ai crié : « Des flambeaux ! qu’on apporte des flambeaux ! » Vous êtes venus nombreux, des lumières dans vos mains. Mais j’ai eu peur des lueurs qui avancent et des ombres qui reculent, j’ai eu peur du flottement large des ombres et du frémissement inquiet des lueurs. Je suis esclave de la crainte. Je suis esclave de la maladie. Je suis esclave, hélas ! de la mort implacable.

Stalagmus. — Tu n’es esclave que de ta lâcheté.