Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/20

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de son modèle risque de nous donner son propre portrait. Dans Eschine, Socrate perd jusqu'à ses caractères les plus extérieurs et ses traits les plus accusés ; rien, par exemple, qui rappelle son éloquence familière. Ils mentent ceux qui vont contant que Xanthippe, veuve de Socrate, aurait remis au fils du charcutier Charinos des dialogues écrits par le fils du statuaire Sophronisque [1]. Pour des raisons qu'il exposa devant moi certain jour et qu'on rencontrera plus loin, Socrate n'a jamais rien écrit. Si Xanthippe a fait quelque argent avec des tablettes où le stylet avait enfoncé dans la cire, ce n'est pas la main de Socrate qui a appuyé le stylet sur la cire.

Phédon et Xénophon n'avaient non plus aucun génie philosophique. Ils n'ont jamais pénétré les profondeurs du maître. Eux aussi, d'ailleurs, ont écrit tardivement. Ils ont mal rapporté ce qu'ils avaient mal entendu et mal retenu.

En outre, Xénophon a fabriqué ses Entretiens mémorables pour défendre la mémoire de Socrate contre les insensés qui l'avaient condamné. Il a voulu démontrer que Socrate obéissait aux lois et que sa condamnation était illégale. Mais, — vérité et philosophie exigent également que nous le proclamions, — Socrate fut condamné conformément aux lois. Tout

  1. Nul n'ignore le statuaire Sophronisque, père de Socrate. Même si un de mes lecteurs ignorait le charcutier Charinos, père d'Eschine, le contexte est assez clair pour rendre toute explication inutile. Mais ne dois-je pas avertir les historiens que voici, enfin, un passionnant problème résolu ? Dans Diogène Laërce, la biographie d'Eschine commence, en effet, par des mots bien douloureux à qui n'aime pas le doute : « Eschine, fils du charcutier Charinos ou de Lysanias ». Que Lysanias renonce désormais à une gloire usurpée ! (Note du traducteur)