Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/23

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Que Sathon soit un menteur, lui-même, à certains jours, le reconnaît en riant. Je l'ai entendu plus d'une fois, — et je m'indignais dans mon cœur — faire l'éloge de ce qu'il appelle « les mensonges salutaires ». Et il a osé, au tiers livre de son dialogue De la République, écrire cette odieuse doctrine. Mais les choses qui. paraissent salutaires à Sathon le menteur et les choses qui paraissaient salutaires à Socrate le véridique sont rarement les mêmes. De sorte que Sathon utilise Socrate dans des vues qui n'ont rien de socratique — qui parfois même sont anti-socratiques.

C'est du vivant de Socrate que Sathon, cet homme impudent, commença à mentir concernant Socrate. Le bon maître se contentait de dire  : « Que de choses ce jeune homme me prête auxquelles je n'ai jamais songé ! » S'il avait pu deviner quel usage Sathon ferait de leur intimité, comme il l'emploierait pour donner crédit à mille dogmes inutiles ou nuisibles, il eût chassé de son bâton l'homme au gros bâton [1].

Certes, on peut découvrir dans certains dialogues, en particulier dans l'Apologie de Socrate telle que Sathon l'a rédigée, plus d'une parole authentique. Ceux qui ont fréquenté Socrate reconnaissent ces paroles sans aucune peine. A leur accent familier et leur sonorité de courage. Ces rares gouttes qui seraient rafraîchissantes, Sathon les perd et les noie dans

  1. Je traduis comme je peux un jeu de mots obscène que les hellénistes, hélas ! n'auront nulle peine à reconstituer (Note du traducteur).