Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/28

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chose ils voient nécessairement deux choses différentes ; quand ce que tu appelles un son frappe leurs oreilles, il est nécessaire qu'ils entendent deux sons. Si tu ne comprends pas ces choses, c'est que tu ne peux même donner un sens au mot deux. Si tu ne comprends pas ces choses, libre à toi de te faire une dialectique avec ton ignorance, comme Sathon se fait une dialectique avec sa mauvaise foi.

Puisqu'un mot quel qu'il soit a nécessairement autant de sens qu'il y a d'hommes pour le comprendre, toute dispute est absurde. Si tu disputes contre moi, c'est que tu parles d'une chose, tandis que je parle d'une autre. Mais tu disputes parce que tu crois sottement que nous pouvons parler de la même chose.

Et ici le prudent Antisthène, distinguant avec soin entre les éléments irréductibles de l'expérience et les choses complexes, enseigne comment l'homme raisonnable parle des premiers et comment l'homme raisonnable parle des secondes. Mais c'est là un long discours et, à le vouloir raccourcir, il cesserait d'être clair. Ceux donc qui s'intéressent à ces choses devront les lire dans leur juste étendue au tiers livre du Sathon.

En ce tiers livre, je montre encore que celui qui affirme une qualité d'un sujet agit témérairement dès qu'il n'exprime plus cette qualité par le nom même du sujet. J'ai le droit de dire : L'homme est homme. Je n'ai pas le droit de dire : L'homme est bon, ou : L'homme est mauvais. Car l'homme ne se confond pas avec le bon ou le mauvais, ni le bon ou le mauvais avec l'homme. Quand je veux parler de Socrate