Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/29

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avec une complète exactitude et de façon à appuyer sur une base solide un raisonnement rigoureux, la seule chose que je puisse dire, c'est : Socrate est Socrate. Mais nul raisonnement ne se peut appuyer sur une base aussi étroite. C'est pourquoi, dès que tu veux raisonner, tu élargis la base et tu ruines sa solidité. Tu prends plus que tu n'as le droit de prendre. Agis comme il te conviendra, mais souviens-toi toujours que nul raisonnement ne prouve d'une façon absolue, dès que tu parles des choses réelles. Dès que, en dehors des rêves géométriques, tu dis : « J'ai démontré », tu oses un mensonge. Car, si tu as choisi pour point de départ le point exact et l'identité réelle, tu n'as pu faire aucun chemin. Si tu as fait quelque chemin, c'est que tu as admis comme étant le même ce qui n'est pas le même. Renonce donc à démontrer afin de pouvoir parler sans mentir. Fais comme Antisthène. Antisthène, à l'ordinaire, parle comme les autres hommes, sans orgueil philosophique et sans vanité démonstrative. Qu'importe ? Le philosophe se reconnaît aux actes non aux paroles. Antisthène, dès qu'il agit, se montre philosophe, vertueux et orgueilleux.

Pourquoi est-ce que je rappelle ces choses ? Pour qu'on ne dise pas que j'y ai renoncé.

Maintenant, je laisserai parler Socrate selon sa pensée et son génie sans lui imposer ma pensée. Ses interlocuteurs parleront ici comme ils ont parlé dans la réalité. Moi-même je parlerai ici comme dans ma jeunesse, non tout à fait comme aujourd'hui. Les subtilités dialectiques m'irritaient déjà plus qu'elles n'irritaient Socrate. Mais je n'avais pas approfondi toute