Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/39

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plus que, ayant puni Mélétos et Anytos, les Athéniens croient avoir puni les meurtriers de Socrate. Ils ignorent encore le nom du vrai meurtrier de Socrate et qu'il ne s'appelle ni Mélétos, ni Anytos, ni Lycon, mais qu'il s'appelle Nomos [1]. Ils ont brisé, après s'en être servi, un de leurs innombrables poignards ; ils n'ont pas brisé en eux-mêmes le respect de la loi et le goût du meurtre légal.

Socrate et Antisthène le jurent par le chien : Socrate était coupable aux yeux stupides de la loi. Non, il ne poussait pas la sottise jusqu'à croire aux dieux qu'honore la Cité. Malgré ses mensonges, Sathon lui-même a rapporté, dans son Eutiphron, adoucies et affaiblies, quelques-unes des railleries dont Socrate accablait la religion, cette alliée de la loi écrite, cette mère de milliers de crimes et de myriades de sottises.

Xénophon conte menteusement que Socrate offrait de fréquents sacrifices soit dans sa maison soit sur les autels publics. Je n'ai jamais vu Socrate sacrifier chez lui. Si les circonstances l'engageaient à sacrifier en public, il le faisait comme il obéissait aux autres lois et coutumes dès que coutumes et lois ne causaient de mal à personne. Mais il obéissait en raillant et en se moquant. Son obéissance même restait une leçon d'indépendance.

Il ne cachait point qu'il obéissait par mépris. On se détourne du droit chemin pour ne point tomber dans un abîme ou ne se point meurtrir contre un roc, mais on ne chante point la douceur charmante du rocher ou la plénitude du gouffre.

  1. La loi (Note du traducteur)