Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/58

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— Si Socrate voulait penser tout haut, Socrate réjouirait le cœur d'Antisthène.

— Je songeais — dit Socrate — que ce Xénophon au front étroit et cet Aristoclès que nous appelons Platon pour la largeur de son front ont peut-être une même façon de méditer mes paroles.

— Quelle façon dis-tu ?

— Ils les tournent et les retournent, les usent et les polissent jusqu'à ce qu'elles disent enfin non plus la pensée et le sentiment de Socrate mais les rêves de Platon ou les avidités de Xénophon.

Deux jours plus tard, je rencontrai le fils de Gryllos, et il me dit :

— Je pars à Delphes consulter Apollon comme le maître me l'a conseillé devant toi.

Je rappelai à Xénophon les paroles exactes de Socrate et qu'elles ne conseillaient nul voyage extérieur. Mais il s'irrita contre moi, il m'accusa de mauvaise foi et il me demanda avec indignation si je le considérais comme un imbécile incapable de comprendre ce qu'on lui disait.

Lorsque je contai à Socrate cette rencontre, il interrogea souriant :

— Ne t'avais-je pas dit ce que Xénophon appelle méditer mes paroles ?

Or Xénophon ne demanda même pas à l'oracle s'il devait ou non aller à Sardes. Il demanda à quel dieu il devait sacrifier pour obtenir un heureux voyage. Quand je connus cette étrange conduite, je m'étonnai devant Socrate, disant :

— Ainsi le stupide fils de Gryllos est de mauvaise foi jusqu'avec lui-même ?