Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/63

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toi-même », que veut-il dire ? Demande-t-il que l'apprenti sache quels éléments constituent son corps, ce que c'est que le sang et de quoi se compose sa liqueur, de quoi est faite la chair des muscles, quelle est la matière des nerfs et des veines ; comment tout cela se produit au ventre de la mère et grandit et grossit pendant l'enfance  ; si les poils de nos bras poussent comme les plantes de la terre ou si leur génération est différente...

— Ces choses sont intéressantes, ô Socrate.

— Ces connaissances sont inutiles au sculpteur, excellent fils d'Ariston, et nul peut-être ne les peut atteindre. Tous ceux qui en parlent avec assurance me paraissent des songeurs bavards. Phidias ne demande pas à l'apprenti l'inutile et l'impossible. Il lui conseille : Connais tes forces, afin que tu ne brises pas le marbre sous des coups trop violents. Connais tes forces, afin que tu n'abandonnes pas la statue avant de l'avoir rendue aussi belle que tu la peux rendre. Et, si Phidias dit à l'apprenti : « Connais le marbre », il ne lui demande pas de savoir ce que les physiciens d'hier ou les physiciens d'aujourd'hui racontent touchant le marbre. Ce que l'apprenti doit apprendre, c'est quelle résistance le marbre oppose au statuaire et quelles ressources offre le marbre au statuaire. Et quand Phidias dit : « Connais les instruments dont tu te sers », il n'exige pas que l'ouvrier sache, au sujet de ces instruments, ce que les physiciens peuvent dire touchant leur matière et leur forme et moins encore ce qu'ils peuvent dire touchant la matière en général et la forme en général. Il veut que le sculpteur sache à quoi est propre chaque