Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/72

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rs, de la vertu, du bonheur. Il ne faisait pas, sur le cosmos, sur l'origine des choses, sur ce qui a donné naissance aux astres et aux animaux, de longs discours pédants et aventureux. Il déclarait, au contraire, qu'il faut avoir perdu l'esprit pour se livrer sérieusement à de telles spéculations. « Ces gens-là, demandait-il, croient-ils donc avoir épuisé tout ce qu'il importe à l'homme de savoir, qu'ils vont s'égarer dans ce qui l'intéresse si peu ? »

Il admirait l'aveuglement de ces faux sages qui ne sentent pas que notre esprit ne saurait pénétrer de tels mystères. Il montrait que ceux qui se piquent d'en parler le mieux sont en désaccord hurlant sur les principes. Qu'on les réunisse en grand nombre, et on se sentira dans une assemblée de fous. Quel symptômes remarque-t-on chez les malheureux touchés par la folie ? Ils redoutent ce qui n'a rien de terrible, souvent même ce qui n'existe point, mais ils ignorent les dangers véritables. Ainsi les prêtres, les physiciens et ceux qui les écoutent. Ils ont peur des dieux; ils craignent d'être malheureux dans une autre vie incertaine ; et ils ne savent pas avoir peur des mensonges et des avidités qui sont en eux ; ils ne songent pas à combattre le malheur d'aujourd'hui. Ils ne savent même pas que mon bonheur ne peut être construit qu'en moi et par moi ; ils ignorent que, tant qu'ils ne construisent pas leur bonheur, ils restent nécessairement cet amas de ruines habité par les serpents qu'on appelle un malheur.

Dans leurs rêves concernant la nature des choses, les uns se figurent qu'il existe une seule substance ; pour d'autres, le nombre des substances est infini.