Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/76

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élevé en lui une citadelle que les événements ont démontrée imprenable. Mais comment croyait-il que sa science de lui-même avait suffi à un tel ouvrage et que la forteresse était bâtie avec de la seule lumière ?

Beaucoup de lumière s'éclabousse contre les pierres blanches d'un tel acropole. Mais les pierres sont faites d'autre chose que de clarté. Et, si le jour est nécessaire à éclairer le travail, ce n'est pas le soleil qui bâtit.

A cause de la science de Socrate, Socrate était la citadelle qu'on ne peut prendre par la ruse et le mensonge. Mais, pour la rendre imprenable aux entreprises de la violence et aux entreprises de la séduction, il fallait autre chose que de la science.

La science de Socrate l'empêchait de croire ceux qui parlent au nom des dieux, ceux qui parlent au nom de la patrie, ceux qui parlent au nom des lois écrites, ceux qui parlent au nom de l'opinion et de cette folie qu'ils osent appeler glorieusement l'honneur. Mais n'ont-ils pas d'autres moyens de se faire obéir que la croyance ? N'offrent-ils pas à ceux qui voudront dire comme eux des terres, de l'argent, des esclaves ? Ne menacent-ils pas ceux qui leur désobéiraient, d'amendes, de prisons, de supplices, de l'exil, de la mort ? Socrate n'a-t-il pas repoussé plus d'une offre ? n'a-t-il, pas méprisé bien des menaces ? n'a-t-il pas bu, en souriant, la ciguë ? La science suffit-elle à des triomphes pareils ?

Je posais parfois de telles questions à Socrate. Mais je les posais mal, sans netteté suffisante. Je parlais avec timidité, parce que j'étais jeune et parce