Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/77

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Socrate m'inspirait une amoureuse admiration. J'éprouvais une manière de remords à ne point penser comme lui. Il y avait dans mes paroles l'incertitude du jeune homme et du disciple. Je me reprochais ma présomption ou mon inintelligence dès que je n'étais plus de l'avis du maître. L'amoureux qui pose à la bien-aimée certaines questions tremblantes désire être rassuré plus qu'être éclairé. Il accueille avec joie toute réponse un peu vraisemblable. Ainsi j'étais heureux de croire ce que répondait Socrate.

J'étais heureux sur le moment. Loin de lui, mes inquiétudes revenaient.

Or Socrate répondait toujours ces paroles ou d'autres semblables :

— Ce que tu appelles la force est encore fait de science. Je sais que l'argent, les esclaves, les terres ne sont pas des biens au même titre que la vertu et de l'âme. Ils ne sont même pas des biens au même titre que la santé du corps. Cette science suffit pour que je méprise l'argent, les terres et les autres choses de cette sorte, dès qu'on me demande de payer ces riens avec mon tout. Je sais que les huées et les rires du peuple, les menaces des magistrats et de la foule, la prison ou la mort ne sont pas des maux au même titre que l'injustice que je commettrais, le mensonge que je dirais, l'idée fausse que j'admettrais en moi. Voilà pourquoi nulle menace ou nul supplice n'obtiendront que je commette l'injustice, que je dise le mensonge, que je m'arrête dans la recherche de la vérité.

— D'autres que toi, Socrate, ont cette connaisssance, qui cependant n'agissent pas comme toi.