Page:Ryner - Les Véritables entretiens de Socrate, 1922.djvu/79

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et qui nous embarrassent, essaie donc, mon Antisthène, de prendre un exemple.

— J'essaierai, Socrate. Je tenterai de parler comme toi par des exemples. J'ai regardé plusieurs fois le menuisier Céramon et je sais comment il rabote une planche. Ce matin, il se plaignait d'être pressé dans son travail. J'ai voulu l'aider. Il s'y est opposé, affirmant que je gâterais la planche. J'ai déclaré que je savais raboter pour avoir regardé avec attention chacun de ses mouvements. Mais il a éclaté de rire et il a dit : « Seul, un philosophe ou un enfant peuvent s'imaginer que, pour raboter, il suffit de savoir comment on rabote. »

— Il aurait dû dire : « Pour savoir raboter, il ne suffit pas de connaître comment d'autres rabotent. »

— Tu donnes au mot savoir plus d'étendue que moi.

— Peut-être. Pour moi, savoir, c'est savoir faire.

— Suppose que Céramon demain soit paralysé ou que, dans trente ans, affaibli de vieillesse, il ne puisse plus pousser le rabot. Sa science du rabotement n'en sera pas diminuée.

— Mais la force du corps est nécessaire aux ouvrages du corps. Si Céramon restait huit jours sans nourriture, il serait incapable de raboter comme de marcher.

— La force de l'âme serait-elle donc inutile aux travaux de l'âme ?

— Elle leur est nécessaire.

— Tu avoues ce que tu niais tout à l'heure.

— J'avoue ce que je n'ai jamais nié. Mais sais-tu